Théodora, le talent n'attend pas

J'ai découvert récemment Theodora et j'ai pris une claque. Une musique inclassable. Un joyeux mélange qui mêle rap, pop, bouyon, afro, électro. Ça fuse. On a envie de bouger, c'est électrique, excité, enivrant, et parfois mélancolique. C'est tout ça à la fois, mais sous une forme unique et innovante.

Il faut écouter. Regarder ses clips. À commencer par le titre qui l'a révélée: Kongolese sous BBL. Les clichés sont ici assiégés, incarnés et totalement assumés.

Ce titre sorti le 27 septembre 2024, produit par son frère, Jeez Suave la propulse sur le devant de la scène. Succès viral notamment sur TikTok.

Mais elle ne s'arrête pas là. Loin de là. On trouve dans sa production déjà riche (en à peine deux ans) de nombreux titres aux sonorités et ambiances variées.

Notamment, voir le clip en animation très eighties de Masoko na mabele. Un trip sous champi ? La bande son d'une expérience psychédélique ? Pas loin de ça. « Lourd ».

L'univers de Théodora c'est une hyperféminité assumée, une décomplexion totale de l'objet « corps » qui passe par moquer les clichés qui lui sont liés. « Mes gros seins me font mal au cou / mon gros cul » chante-t-elle avec dérision.

Casser le cliché en l'incarnant, le contourner et l'habiter pour se le réapproprier, le moquer tout en l'embrassant sans complexes. BBL, son sigle étendard, c'est à la fois BigBossLady, mais aussi Brasilian Butt Lift (!).

Sa voix, aussi, est remarquable. Elle contribue à la cohérence de sa proposition. Pas de vocodeur en folie ici : un timbre à peine voilé, un chant juste et mélodique. Ses chansons deviennent des hymnes (Fashion designer…).

Théodora ne fait pas du rap. Elle ne fait pas de la pop. Elle ne fait pas de l'électro ou du bouyon. Elle fait tout ça à la fois et rien qui ne s'est déjà fait.

Elle domine et acapare dès qu'on l'écoute, dès qu'on l'observe chanter.

Même sans le moindre artifice, dans une session brute lors d'un passage sur Planète Rap, son aisance et sa maîtrise laissent coi.

Elle n'a que 22 ans. Le talent n'attend pas.

Son message au fond, derrière toutes ces paillettes, la fumette et les starlettes, c'est un hymne au dépassement de soi. A dire non aux obstacles, aux médisants, aux angoisses. A se fixer un but, et tout faire pour l'atteindre.

Elle s'était donné un an pour réussir dans la musique. Elle n'a pas seulement réussi. Elle est devenue la Big Boss Lady.